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Le chantre, le vieillard,
le sage natif de Téos fut l'un des premiers poètes
lyriques grecs de cour chantant le vin, l'amour, les hommes et les
femmes. Il vécut entre 575 et 490 avant notre ère
dans l'entourage du tyran de Samos, Polycrate, puis dans celui des
Athéniens puissants et à Téos en Lydie sur
la côte d'Asie Mineure. Une anecdote relève la sagesse
du poète : Polycrate lui ayant donné une forte somme
d'argent, Anacréon la lui rendit car elle l'empêchait
de dormir. Les Odes d'Anacréon, colligées par
des anonymes grecs plus tardifs, furent publiées en 1554
par Henri Etienne et participèrent
à la mode de la poésie anacréontique du XVIe
siècle. Dans Le Banquet des Savants, 13, 598 b, Athénée
de Naucratis, auteur grec du IIe siècle de notre ère,
rapporte et commente les vers d'Hermésianiax et d'Anacréon
:
"
Dans combien de festins Alcée de Lesbos, sur sa lyre,
a célébré le désir qu'il éprouvait
pour Sappho,
tu le sais. Le chantre aimait l'oiseau qui enchante,
et ses hymnes gracieux firent souffrir le Téien,
Anacréon, son rival en amour, le poète suave...
Dans
ces vers, Hermésianax se trompe quand il croit que
Sappho et Alcée sont contemporains du sage de Téos
: Anacréon vivait à l'époque de Cyrus
et de Polycratès, Sappho à l'époque d'Alyattès,
père de Crésus. Chaméléon, dans
son traité Sur Sappho dit que, selon certains, c'est
à elle que s'adressent ces vers d'Anacréon :
Quand
Eros à la tête d'or
me relance un ballon pourpré
que je lance vers tel garçon
aux sandales brillantes,
elle,
car elle est née là-bas,
à Lesbos, fuit
ma tête, hélas,
blanchissante et s'en va baver
pour... une autre dirai-je.
Et
il dit que Sappho lui a répondu ainsi :
Muse
au trône d'or, tu soufflas un hymne
que de son pays aux splendides femmes
le Téien chantait avec grâce dans sa
fière vieillesse.
Mais
il est clair pour chacun que cette chanson n'est pas de Sappho.
Je pense qu'Hermésianax a voulu plaisanter sur cet
amour : Diphile, le poète comique, dans la pièce
intitulée Sappho, avait fait d'Archiloque
et d'Hipponax les amants de Sappho. "
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Dans Homosexualité
Grecque, (Ed. La pensée sauvage, 1982), K.-J. Dover affirme
:
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"
Le seul texte ancien où il y ait à première
vue une association entre Lesbos et l'homosexualité est
le fragment 358 d'Anacréon. Le poète y chante son
désir pour une fille qui :
étant donné qu'elle est de la noble île de
Lesbos trouve à redire à ma chevelure - elle est
blanche- et soupire après une autre.
Etant donné que kome en grec comme " chevelure "
en français est féminin, on peut comprendre que
ce " une autre " renvoie à kome : il peut alors
vouloir dire soit : 1) elle soupire après la chevelure
de quelqu'un d'autre (qui serait noire) par opposition à
la mienne qui est blanche ; soit : 2) elle soupire après
un autre type de chevelure pubienne qui serait noire (le poète
ferait ainsi allusion au goût que l'on prêtait aux
Lesbiennes pour la fellation). Il est d'autre part possible de
penser qu'Anacréon a voulu dire que la jeune fille avait
un intérêt homosexuel pour une autre fille, sans
pour autant admettre que " Lesbienne ", à son
époque ou à une autre de l'antiquité, connotait
d'abord l'homosexualité (...). Si les femmes lesbiennes
avaient la réputation (peut-être créée
par les humoristes athéniens à l'époque des
guerres entre Athènes et Mytilène au VIe siècle)
d'avoir une sexualité débridée et lascive,
elles ont eu de bonnes chances de voir porter à leur crédit,
si l'on peut dire, tous les actes sexuels qu'une ingéniosité
qui cherchait à mettre une piquante variété
dans le plaisir a pu imaginer depuis des pratiques homosexuelles
jusqu'à la fellation, le cunnilingue, les parties à
trois, la copulation dans des positions peu ordinaires et l'utilisation
des olisboi. "
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- Après
deux paragraphes biographiques, Marguerite
Yourcenar, dans La Couronne et la Lyre précise :
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-
"
L'immense renommée qui s'attacha jusqu'à
nos jours au nom d'Anacréon est due en grande
partie à la vogue des odes dites anacréontiques,
dont la composition s'échelonne, suppose-t-on,
entre le Ier siècle avant notre ère et
l'époque byzantine, et dont le faire gracieux,
coulant et monotone, ne ressemble en rien au peu qu'on
a des uvres du grand lyrique et du grand métricien
du VIe siècle. Des cinq livres de poèmes
laissés par l'Anacréon véritable,
il ne reste qu'environ cent cinquante fragments, pour
la plupart infimes, et dont quelques uns seulement comportent
sept ou huit lignes. Ils sont dans l'ordre littéraire
ce que sont en matière de sculpture antique des
débris méconnaissables, éclats
de marbre où se devinent çà et
là une rosace, un morceau de visage, ou deux
doigts d'une main. "
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Ainsi, M. Yourcenar
ne s'attache pas à retenir le caractère lesbien du fragment
599 d'Athénée dont elle offre la traduction suivante
:
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- "…L'Amour,
riant, me frappe avec sa balle d'or
Et m'invite à jouer avec la belle fille ;
Elle me trouve vieux et s'en cherche un plus fort…
- Cité
dans Athénée, Le repas des Sophistes,
XIII, 599."
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- De même,
la traduction offerte par Mario Meunier n'a pas de caractère
homosexuel bien que la femme soit de Lesbos :
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SUR
UNE FEMME DE LESBOS
Éros
aux cheveux d'or,
me frappant un jour
d'une balle de pourpre,
m'incita à jouer
avec une jeune femme
aux sandales brodées.
Mais celle-ci - car elle vient
de Lesbos, ville bien bâtie -
n'eut pour ma chevelure
- car elle est blanchissante -
qu'un mépris profond,
et pour un certain autre
demeura bouche bée.
Traduit
par Mario Meunier, Poésies de Sappho suivies des
Odes d'Anacréon et des anacréontiques,
Emile Chamontin Editeur, 1941
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D'autres auteurs
comme ici Robert Brasillach dans son Anthologie de la poésie
grecque se prêtent à l'interprétation homosexuelle
de ce fragment 599 d'Anacréon :
L'Amour
aux cheveux blonds un jour
Lança contre moi une balle pourpre.
Il voulait forcer à jouer
Une enfant à sandale brodée.
Mais, elle, elle était de Lesbos la belle,
Elle méprisa mes cheveux tous blancs,
Et vers qui je sais tournant sa prunelle
Elle demeura sur place en béant.
Traduit par
Robert Brasillach, Anthologie de la poésie grecque ©
1950, 1981, 1991, Ed. Stock.
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Une
nouvelle fois, riant, et, de sa balle d'or
me frappe Eros aux cheveux d'or.
Avec la jeune fille aux sandales pourprées
il m'invite à jouer.
Mais elle - elle est de Lesbos
aux magnifiques cités - me reproche
mes cheveux gris.
Un autre objet la fait pâmer d'envie : une fille !
dans Anthologie
historique des lectures érotiques par Jean-Jacques
Pauvert, Stock / Spengler, 1995.
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Bibliosapphisme
:
index des auteurs anciens
- bibliosapphisme des XVI au XVIIIe
s. - bibliosapphisme à
partir du XIXe siècle
Bibliographie partielle
anacréontique :
- Oeuvres complètes
de Pindare traduction française par C. Poyard professeur de réthorique
au lycée Henri IV, ouvrage couronné par l'Académie
française - Nouvelle édition complètement refondue
augmentée d'Anacréon, de Sapho et d'Erina, Paris, Garnier
Frères, Libraires-Editeurs, 6 rue des Saints-Père, 6.
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Poéses de Sappho suivies des Odes d'Anacréon et
des ancréontiques traduction nouvelle de Mario Meunier
avec des illustrations de Sylvain Sauvage, Emile Chamontin, éditeur,
1941.
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- Anthologie
de la poésie grecque par Robert Brasillach éditions
stock 1950.
- Homosexualité
grecque par Kenneth J. Dover, Ed. La pensée sauvage, 1982
traduit de l'américain par Suzanne Saïd (Première
publication aux U.S.A. 1978).
- La Couronne
et la Lyre, poèmes traduits du grec par Marguerite Yourcenar,
Ed. Gallimard, 1979.
- Sappho poèmes
et fragments édition bilingue texte établi et traduit par
Philippe Brunet, bibliothèque l'âge d'homme, 1991.
- Anthologie
historique des lectures érotiques par Jean-Jacques Pauvert,
Stock / Spengler, 1995.
- Anacréon
Fragments et imitations par Gérard Lambin, Presses universitaires
de Rennes, 2002 (fragments en version bilingue grec ancien- français)
Liens lesbiens :
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