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NOTICE BIOGRAPHIQUE D'EVARISTE PARNY PAR ARVICOLA
Évariste-Désiré de
Forges chevalier de Saint-Louis puis vicomte de Parny naquit à Saint-Paul à l’île
Bourbon en 1753. Son père commandant de gendarmerie l’expédia
dès l’âge de neuf ans faire ses études à Rennes.
En 1773 lors d’un retour dans son île natale, il
tomba amoureux d’une jeune fille à qui il donnait
des leçons
de piano Esther Lelièvre. Cette jeune créole « son écolière
en amour » devint sa muse sous le nom d’Eléonore.
Une lettre datée de 1775 à son ami, compatriote
et poète Antoine de Bertin (1752-1790), dévoile
son aversion pour l’esclavage
aboli seulement en France par un décret du 27 avril 1848.
« Non je ne saurais me plaire dans un pays où mes regards ne peuvent tomber que sur le spectacle de la servitude, où le bruit des fouets et des chaînes étourdit mon oreille et retentit dans mon cœur. Je ne vois que des tyrans et des esclaves, je ne vois pas mon semblable. On troque tous les jours un homme contre un cheval : il est impossible que je m’accoutume à une bizarrerie si révoltante. »
Avec le chevalier de Bertin, il débuta dans l’Almanach
des Muses en 1777. L’année suivante il écrivit ses Poésies érotiques.
Promu capitaine de dragon en 1779, il participa à une expédition
aux Indes comme aide de camp. En sa qualité d’ancien officier de
la garde de Louis XV, il fut admis à la cour de Louis XVI, fréquenta
Marie-Antoinette et la princesse de Lamballe. Après la Révolution;
il obtint l’emploi public de directeur du théâtre des Beaux-Arts.
Il publia en 1787 de curieuses Chansons madécasses.
Le critique Sainte-Beuve consacra un "Portrait contemporain" à Évariste
Parny.
II
En
1799, Évariste Parny publia La Guerre des Dieux,
poème anticlérical et licencieux
en dix chants, qui relate les conflits entre les dieux de l’Olympe
et la Trinité. Entre 1821 et 1865, ce livre qui connut un
grand succès fut condamné au moins dix fois à la
destruction à cause,
notamment, de cette scène
saphique conventuelle.
LA GUERRE
DES DIEUX
(1799) Chant IX
Occupations nocturnes dans un couvent de femmes
(...)
Dans ce couvent c’est en vain qu’il fait nuit,
Et de vingt sœurs pas une ne sommeille.
Luce dormait; la voilà qui s’éveille,
Et chez Thérèse elle arrive sans bruit.
Pour quel dessein ? Ces compagnes fidèles
Veulent sans doute échanger leurs secrets ?
Non, le silence est observé par elles ;
Mais un seul lit a reçu leurs attraits.
L’une à la fois et se tait et soupire ;
D’un sexe absent l’autre usurpe l’empire.
Voilà leur corps dans un groupe charmant,
Leurs jolis bras enlacés mollement,
Leurs seins pressés qui s’enflent avec peine.
Le fol espoir, la vive émotion,
De leurs baisers la douce illusion,
Hâte ou suspend leur amoureuse haleine.
La volupté les trompe tour-à-tour ;
De vains désirs leurs âme est consumée
;
Et quelques fois d’une bouche enflammée
Sortent ces mots : Change mon sexe, Amour !
Couple insensé ! puisque dans la retraite
Avec ses sens on emporte son cœur,
Puisqu’on soupire, et puisque du bonheur
On cherche encore une image imparfaite.
Brisez vos fers, cherchez loin des autels
Le bonheur même, et des baisers réels.
(...)
Évariste Parny, p. 153, t. 3 de l'édition ci-dessous
mentionnée des Œuvres Complètes.
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III
Dans son Dictionnaire érotique
moderne (1864), Alfred Delvau définit la « Prêtresse
de Lesbos » comme une « femme aimant les
personnes de son sexe » et cite Parny :
« Vous
m’entendez, prêtresses de Lesbos,
Vous de Sapho, disciples renaissantes »
LA
JOURNÉE CHAMPÊTRE
(…)
L’antiquité, si charmante d’ailleurs,
Dans ses plaisirs n’étaient pas scrupuleuse.
De ses amours, la peinture odieuse
Dépare un peu ses écrits enchanteurs.
Lorsque, ennuyé des baisers de sa belle,
Anacréon, dans son égarement,
Porte à Bathyle un encens fait pour elle,
Sa voix afflige et n’a rien de touchant.
Combien de fois, vif et léger Catulle,
En vous lisant je rougissais pour vous !
Combien de fois, voluptueux Tibulle,
J’ai repoussé dans mes justes dégoûts
Ces vers heureux qui devenaient moins doux !
Et vous encore, ô modeste Virgile !
Votre âme simple, et naïve, et tranquille,
A donc connu la fureur de ces goûts ?
Pour Cupidon quand vous quittez les Grâces,
Cessez vos chants et rougissez du moins.
On suit encor vos leçons efficaces ;
Mais, pour les suivre, on prend de justes soins,
Et l’on se cache en marchant sur vos traces.
Vous m’entendez, prêtresses de Lesbos,
Vous, de Sapho disciples renaissantes ?
Ah ! croyez-moi, retournez à Paphos,
Et choisissez des erreurs plus touchantes.
De votre cœur écoutez mieux la voix ;
Ne cherchez point des voluptés nouvelles,
Malgré vos vœux la Nature à ses lois,
Et c’est pour nous que sa main vous fit belles.
(…)
Lorsque Sapho prenait sa lyre,
Et lui confiait ses douleurs,
Tous les yeux répandaient les pleurs,
Tous les cœurs sentaient son martyre.
Mais ses chants aimés d’Apollon,
Ses chants heureux, pleins de sa flamme
Et du désordre de son âme,
Ne pouvaient attendrir Phaon.
Gallus, dont la muse touchante
Peignait si bien la volupté,
Gallus n’en fut pas moins quitté ;
Et sa Lycoris inconstante
Suivit, en dépit des hivers,
Un soldat robuste et sauvage
Qui faisait de moins jolis vers,
Et n’en plaisait que mieux, je gage.
Pétrarque (à ce mot un soupir
É chappe à tous les cœurs sensibles),
Pétrarque, dont les chants flexibles
Inspiraient partout le plaisir,
N’inspira jamais rien à Laure ;
Elle fut sourde à ses accents
Et Vaucluse répète encore
Sa plainte et ses gémissements.
Waller soupira pour sa belle
Les sons les plus mélodieux ;
Il parlait la langue des dieux,
Et Sacharissa fut cruelle.
Ainsi ces peintres enchanteurs
Qui des Amours tiennent l’école
De l’Amour, qui fut leur idole,
N’éprouvèrent que les rigueurs.
Mais leur voix touchante et sonore
S’est fait entendre à l’univers ;
Les Grâces ont appris leurs vers,
Et Paphos les redit encore.
Leurs peines, leurs chagrins d’un jour
Laissent une longue mémoire ;
Et leur muse, en cherchant l’Amour,
A du moins rencontré la Gloire.
(...)
Évariste
Parny pp. 127, 153, 154 t. 1 de l'édition ci-desssous
mentionnée
des Œuvres
complètes.
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